Apprendre à ranger une sale vide
Alors évidemment, le “consulting”, c’est comme tout, ça dépend comment c’est fait. Mais comment ne pas sourire et se rappeler des souvenirs de début de carrière quand on entend :
De temps en temps, il y avait des consultants qui venaient et qui expliquaient pourquoi il fallait virer untel, faire des économies là. Un mec qui était à son poste depuis 25 ans, ils lui disaient “non, c’est pas comme ça qu’il faut travailler monsieur”. C’était quand même à la fois violent et universel comme phénomène, ils étaient partout. Et puis après j’ai travaillé dans des organismes publics, ils étaient toujours là. Et ils faisaient la même chose, il faut faire des économies, il faut faire des gains d’efficacité, la performance. Et puis alors ce langage, ce langage avec plein d’anglicismes et puis ce langage expert qui exerce un pouvoir. Et comme des millions de français, je l’ai subi. Et ça s’exerce comme une science, comme les économistes un peu, ils pensent que c’est une science. Et donc c’est un discours qui est sans réplique quand on y est, sauf qu’après on peut écrire des livres. Et là on peut se venger. Alors vous dites avec un certain amusement, mais aussi avec pas mal d’ironie et la volonté de ridiculiser ces pouvoirs faussement savants. La littérature, voilà, elle a toujours à faire avec la bêtise de son temps. Le consulting, il y en a de mille manières. Donc il y a des choses plus ou moins vertueuses, des choses plus ou moins bidons. Alors j’en ai quand même rencontré des consultants. J’ai lu des livres, des consultants repentis, certains qui travaillaient encore, etc. Et il y a des phrases… “Être consultant, c’est prendre sa montre à quelqu’un pour lui donner l’heure et partir avec la montre”. Voilà. Enfin voilà, il faut raconter tout ça quand même. C’est apprendre à ranger une sale vide aussi ? Ah oui, alors ça oui, un consultant qui m’a dit ça, bah oui c’était apprendre à ranger une sale vide.
— Nicolas Mathieu, lors d’une interview dans la librairie Dialogues, à Brest
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